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Il y a des éditos qu’on lit en haussant les épaules. D’autres qui nous agacent, mais dont on se dit qu’ils nourrissent le débat. Et puis il y a ceux, comme celui de Vincent Duluc dans L’Équipe, qui frisent la caricature au point de perdre de vue l’essentiel : le football. Ce lundi soir, l’OM et le PSG s’affrontent enfin après un report, en même temps que la cérémonie du Ballon d’Or. Pour le grand chroniqueur de la maison L’Équipe, c’est un drame. Deux passages de sa prose méritent particulièrement qu’on s’y arrête. Non pas pour y trouver une quelconque finesse d’analyse, mais pour pointer du doigt l’aveuglement d’une vision parisiano-centrée et, disons-le, méprisante vis-à-vis du football tel qu’il se vit à Marseille et ailleurs. Sanctuariser l’affiche ? Mais sanctuariser quoi au juste ?
Duluc écrit, sans trembler : "En assumant que son OM-PSG ne fasse pas la une des journaux ce mardi matin, la LFP n’a pas regardé très loin devant elle, parce qu’elle aurait sûrement pu trouver une autre date qui puisse sanctuariser l’affiche ainsi qu’elle le mérite". On croit rêver. Depuis quand un match de football doit être pensé en fonction de la place qu’il occupera dans les kiosques ? Depuis quand l’agenda des compétitions devrait se plier au bon vouloir d’un prix inventé par… France Football, c’est-à-dire le cousin direct de L’Équipe ? Voilà où mène le mélange des genres : le ballon rond devient un prétexte pour glorifier une cérémonie mondaine. Un match, c’est onze contre onze. Des regards dans le tunnel, des tacles qui claquent, des passes qui cassent les lignes, des frappes qui font trembler les filets. C’est là que se trouve la vraie « une » du football. La raison qui fait que l'on suit tous ce sport. Pas dans une salle feutrée où un joueur mal à l’aise, engoncé dans un costume, bredouille quelques mots de remerciement pour une récompense individuelle. Replongez dans votre enfance : c'est en voyant, Papin, Zidane, Benzema, qui vous voulez en fait, soulever le ballon doré que vous avez eu des étoiles dans les yeux ou en les voyant briller sur un terrain ? On regarde le foot pour l’émotion brute, pour la chair de poule qui parcourt le dos quand un stade entier se lève. Pas pour un trophée brandi sous les lustres du Châtelet. Et si la LFP a, pour une fois, choisi le jeu plutôt que le décorum, pourquoi faudrait-il s’en excuser ? Sanctuariser le sport, ce n’est pas sanctuariser l’ego d’un Ballon d’Or. Les supporters de l’OM réduits à des caricatures
Plus grave encore est la phrase suivante : "Les seuls que l’on comprenne vraiment, dans l’affaire et la polémique naissante, sont les supporters de l’OM qui cherchaient désespérément un moyen d’échapper au couronnement douloureux de leurs rivaux historiques, et sont ravis de ce dérivatif qui leur donne l’occasion de troubler doublement la fête". Voilà donc la lecture de Vincent Duluc : les Marseillais seraient contents parce qu’on leur offre une diversion pour oublier la gloire de leurs rivaux. Une phrase qui transpire le mépris social, doublé d’une méconnaissance totale du quotidien des supporters. Des dizaines de milliers de personnes avaient organisé leur week-end pour ce match. Transport, hôtels, vie familiale, planning professionnel… Tout a été chamboulé par un report décidé au dernier moment. Le lundi soir, à 20 heures, ce n’est pas un horaire neutre. Cela veut dire quitter son travail en catastrophe, poser un jour de congé, trouver une solution pour faire garder les enfants. Cela veut dire, pour beaucoup, renoncer à venir alors qu’ils avaient tout calé. Mais ça, bien sûr, Duluc n’en parle pas. Dans son monde, les Marseillais sont des silhouettes bruyantes sorties d’une barre HLM voisine, toujours disponibles pour hurler au Vélodrome. Il n’imagine pas que derrière chaque siège du stade, il y a une vie, une famille, un équilibre parfois précaire. Les supporters ne sont pas des figurants d’un folklore commode : ce sont des hommes et des femmes qui paient, qui s’organisent, qui sacrifient.
_________________ Enfin!!!
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