https://www.lequipe.fr/Football/Article ... es/1327951Où en sont les réserves des clubs de Ligue 1 et à quoi servent-elles ?
Alors que le PSG a décidé de s'appuyer à nouveau sur son équipe amateur (National 3) pour donner du temps de jeu à ses jeunes pros après avoir choisi d'abandonner sa réserve en 2019, seuls dix clubs de Ligue 1 ont une équipe en N2. Parce que le niveau s'est élevé plus que par désintérêt.
C'est une petite phrase, prononcée pendant une conférence de presse, qui dit tout de la difficulté des clubs professionnels à avoir une équipe réserve compétitive en National 2, la quatrième division. Il y a un mois, Franck Haise, l'entraîneur du Racing Club de Lens, s'est dit « très inquiet » face à la situation de l'équipe dont il a eu la charge durant trois saisons avant de s'asseoir sur le banc des pros.
Dix clubs de Ligue 1 ont leur réserve en National 2 : Lorient, Reims, Metz, Lens, Lyon, Monaco, Marseille, Nantes, Angers et Montpellier. Les dix autres évoluent en N3. Lors de la saison 2002-2003, pour le retour de la L1 à 20 clubs, 17 réserves jouaient en CFA, l'équivalent du N2.
Les jeunes Artésiens sont 15es sur 16 dans leur poule, avec quatre points de retard sur le FC Metz (13e) premier non relégable, à six journées de la fin. « Quand on était en Ligue 2, le différentiel était moins important, il le sera beaucoup plus entre la Ligue 1 et le National 3 », prévient l'entraîneur des Sang et Or en cas de descente.
Et Lens n'est pas le seul club pro dans cette situation : Montpellier est premier relégable dans la poule A, l'OM est lanterne rouge de la poule B avec 18 points, sept de moins que... Monaco, premier non relégable.
L'exception lorientaise
Cette saison, sur les quatre poules de 16 équipes qui forment le championnat de National 2, on compte dix réserves de clubs de Ligue 1 et trois de Ligue 2 (Caen, Guingamp et Auxerre). Hormis Lorient, deuxième et à la lutte pour le titre dans le groupe A (*), aucune ne joue les premiers rôles. Plusieurs formations pourraient même descendre en fin de saison. « C'est un championnat de plus en plus difficile », témoigne Abdel Bouhazama, entraîneur de la réserve du SCO d'Angers et directeur du centre de formation. Onzièmes de leur poule, les Angevins, pour la plupart âgés entre 17 et 20 ans, ont découvert cette saison un « championnat d'hommes ».
(*) Les équipes réserves ne peuvent monter au-delà du National 2, même si elles terminent en tête de leur groupe.
« Les clubs amateurs sont aussi mieux structurés que par le passé avec des joueurs amateurs payés, issus pour certains des centres de formation, des entraîneurs diplômés », détaille David Carré, entraîneur de la réserve d'Auxerre, 7e de la poule B. « Il y a les clubs qui jouent pour ne pas descendre et ceux qui jouent la montée en National comme Bergerac. Il suffit de voir leur parcours en Coupe de France... », abonde Bouhazama en faisant référence aux tombeurs de Saint-Étienne, alors que le demi-finaliste Versailles fonce également vers le National (D3).
« Quand il te manque 10 centimètres, 20 kilos, c'est dur »
Abdel Bouhazama, entraîneur de la réserve d'Angers
La différence de gabarit avec des joueurs expérimentés, rompus aux joutes de ce championnat, est souvent criante. « Quand il te manque 10 centimètres, 20 kilos, c'est dur », souffle l'entraîneur du SCO. À Lorient, on a fait le choix de « recruter en post-formation des joueurs plus âgés (entre 22 et 25 ans). Ils connaissent ce niveau, ont parfois joué quelques matches en National », explique Régis Le Bris, directeur du centre de formation des Merlus et entraîneur de la réserve, 2e, à deux points de Versailles. « On est obligés de mettre trois ou quatre joueurs plus aguerris pour avoir une assise. Puis, il y a des jeunes du centre. On peut s'appeler Lyon, Monaco ou Rennes, si on n'a pas cet équilibre c'est compliqué », se justifie le technicien breton.
Vingt heures de bus pour Bernardoni et Bamba
Dimanche 12 décembre 2021 au petit matin, la fatigue des vingt heures de bus aller-retour pour rallier Montpellier se lit sur le visage de Paul Bernardoni. Avec Abdoulaye Bamba, le portier angevin (prêté jusqu'à la fin de saison à Saint-Étienne depuis), de retour de blessure, a battu la veille la réserve de Montpellier (4-0). Les réserves comptent en effet parfois quelques pros dans leurs rangs, le temps de se remettre en jambes après une blessure ou de (re)trouver un temps de jeu qu'ils n'ont pas en Ligue 1 ou Ligue 2.
« Après le match, ils m'ont dit qu'ils trouvaient le championnat compliqué », raconte Bouhazama. Avec Nabil Bentaleb, qui a fréquenté la réserve avant de signer au SCO, ils sont les trois joueurs du groupe pro à avoir évolué en équipe B. « Il faut trouver un équilibre avec les jeunes mais ils ne sont pas là pour nous faire gagner, juste prendre du temps de jeu », explique Bouhazama.
« On serait détachés de la réalité du football d'adulte avec de l'engagement, des contacts »
David Carré, entraîneur de la réserve d'Auxerre
Cinq ans après une réforme qui avait vu le passage des CFA et CFA2 en National 2 (N2) et National 3 (N3), la Fédération a acté fin mars les orientations à donner à la réforme des championnats. Et le National 2 sait déjà qu'il passera de quatre à trois poules d'ici à la saison 2024-2025. « Avec cette réforme ça sera encore plus dur. Tout le monde va vouloir se renforcer », estime l'entraîneur angevin. Pour Régis Le Bris, « l'exigence en termes de constitution de groupe sera plus précise encore ».
Vers un championnat des réserves ?
De quoi faire émerger de nouveau l'idée d'un championnat interréserves ? « S'il n'y a pas de montée ni de descente, on joue juste pour le beau jeu alors que là, dans le championnat de N2, on joue avec la perspective de descendre. C'est un des paramètres de la formation », souligne Bouhazama. Pour David Carré, à Auxerre, cela voudrait dire « revenir à un football de jeunes, avec des qualités certes, mais détacher de la réalité du football d'adulte avec de l'engagement, des contacts ».
Les matches, parfois âpres, de la N2 restent donc le chemin privilégié pour, à terme, intégrer régulièrement le groupe professionnel et grappiller du temps de jeu. À Angers, derrière la pépite Mohamed Ali-Cho, Waniss Taïbi ou Noah Fatar, également issus de la réserve, intègrent régulièrement le groupe de Gérald Baticle. La Ligue 1, ce sera autre chose, mais on n'a pas encore trouvé mieux que la N2 pour s'y préparer.