DIDIER DESCHAMPS répond à Hatem Ben Arfa et s’inquiète du retard pris dans le recrutement marseillais.
Mamadou Niang est parti, Hatem Ben Arfa veut lui emboîter le pas. Dix-huitième et relégable au classement, l’OM a perdu ses deux premiers matches, son recrutement n’avance pas et les dissensions au sommet du club se font jour. Didier Deschamps, qui a préféré rester à Marseille malgré les appels du pied de Liverpool cet été, veut croire en des jours meilleurs pour son équipe. Mais il aimerait que ses dirigeants se décident à recruter. C’est ce qu’il nous a confié hier après-midi, au lendemain du revers valenciennois (2-3).
MARSEILLE –
de notre envoyé spécial
permanent
« LE DOSSIER CHAUD, c’est Ben Arfa. Va-t-il partir ?
– Ce n’est pas moi qui décide, mais le président. Le récupérer me semble très difficile vu sa position radicale, son attitude. Ce n’est pas une bonne chose, ni pour lui, ni pour le groupe, de rater des entraînements.
– Il ne veut plus travailler sous votre direction. Qu’en pensez-vous ?
– La saison passée, il a joué beaucoup de matches (29 en L 1). J’estime que j’ai fait beaucoup pour lui. Il a du talent mais des insuffisances, aussi. Je lui souhaite de réussir sa carrière. J’ai passé beaucoup, beaucoup de temps à parler avec Hatem. Je lui ai dit beaucoup de choses. Il en a retenu certaines, pas d’autres. Jeudi dernier, il a refusé de parler avec moi. C’est peut-être mieux, vu son état de nervosité.
– Après lui avoir cherché un club, l’OM veut le retenir. Vous ne vouliez plus de lui ?
– Mon idée, à l’origine, c’était qu’Hatem, pour des raisons sportives, trouve une solution ailleurs. Mais Niang devait rester. Et les perspectives pour Hatem n’étaient pas les mêmes, car ils jouent dans la même position. Après, il y a des offres ou pas. Qui correspondent ou pas. Je n’ai jamais dit que je ne voulais plus de lui.
– Deux matches, deux défaites. Votre début de Championnat est catastrophique.
– Je ne suis pas inquiet. Je le serais si j’avais tous les joueurs à disposition. Attention, je ne me dis pas que nous avons le temps. On a perdu six points en deux journées. L’urgence est là. Contre Lorient, samedi, les trois points seront très importants.
– Vos deux premiers matches ont révélé des manques évidents.
– Les absences et les blessures compliquent la donne. Brandao, c’est quand il est absent qu’on souligne son importance. Moi, je sais qu’il est important dans notre système. Contre Caen (1-2, le 7 août), les vingt-cinq premières minutes sont intéressantes. Après, notre jeu s’effiloche mais on s’accroche malgré les disparités sur le plan athlétique. À Valenciennes (2-3), les intentions sont là. On aurait dû mener à la mi-temps. On a commis beaucoup d’erreurs défensives, mais on a cherché à revenir. Si j’avais eu le choix, je n’aurais pas fait jouer Niang. Sa principale préoccupation, c’était de ne pas se blesser. C’est humain.
– Avez-vous digéré son transfert à Fenerbahçe ?
– Cet épisode nous fait mal. Je voulais le garder et mettre une recrue à côté de lui. Si l’été dernier “Mamade” a signé une prolongation (jusqu’en 2014) avec, à la clé, un salaire que tout le monde connaît (320 000 euros), c’était bien pour qu’il reste. Je peux comprendre la volonté de le vendre pour des raisons économiques. Mais il aurait fallu pouvoir anticiper son départ. Le laisser partir à quelques jours de la reprise, c’est désastreux.
– Le jugez-vous irremplaçable ?
– On parle du meilleur buteur du Championnat. Et puis, c’est un élément très important dans le groupe. Même s’il n’a pas toujours été exemplaire, “Mamade” était apprécié pour ses qualités. C’était LE capitaine. Les joueurs peuvent comprendre qu’à trente ans passés, un beau contrat, c’est tentant. Moi aussi d’ailleurs. Mais ils savent très bien que c’est le meilleur attaquant qui va s’en aller.
– Ne regrettez-vous pas, à titre personnel, de ne pas avoir approfondi la piste Liverpool ?
– Je n’ai pas de regrets. Avec l’OM, la part affective est très importante. Alors, j’assume. J’ai préféré rester là et prolonger (jusqu’en 2012) plutôt que de choisir une autre destination. J’ai fait ce choix parce que j’étais convaincu, vu ce que nous avions réalisé avec les joueurs, que nous pouvions avoir l’ambition de faire aussi bien ou même mieux. Par rapport à mes attentes, mais aussi aux exigences de Marseille et de son public, cette ambition nécessitait de renforcer l’équipe en qualité plus qu’en quantité, avec l’apport de trois ou quatre éléments.
– Pourquoi le recrutement n’avance-t-il pas ?
– La qualité prime. Elle a un prix. Je sais que nous sommes dans une période difficile sur le plan économique, que nous sommes en France. Mais j’étais convaincu que nous pourrions garder les joueurs sur lesquels je compte et recruter. Lyon, par exemple, a su dégager des moyens importants pour rendre son équipe plus compétitive à chaque fois qu’il a été champion.
– N’êtes-vous pas trop exigeant ?
– Si c’est pour faire quelqu’un, histoire de faire quelqu’un, ça ne résoudra pas nos problèmes. Je cherche des profils qui s’adaptent à notre système et aux joueurs que j’ai déjà. Nous avons des repères, des automatismes et des affinités. Je ne me vois pas tout bouleverser. Ça prendrait beaucoup de temps.
– Quel est votre plan de bataille ?
– On est dans l’urgence. Ce n’est pas une bonne chose. Il faut pourtant trouver des solutions pour avoir l’équipe la plus compétitive possible par rapport à nos moyens. J’ai une position claire depuis le début. Si Niang était resté, je souhaitais un attaquant et un milieu défensif. La situation d’Hatem réduit encore notre potentiel offensif. S’il partait, il faudrait une solution de plus devant, soit deux attaquants, sans négliger pour autant l’apport d’un milieu défensif.
– L’état-major du club ne semble pas très soudé ces derniers temps...
– C’est difficile. L’OM est un club à part dans son fonctionnement. On n’est pas obligés d’être amis pour penser ensemble à l’intérêt commun, l’OM. Les divergences de vue créent des tensions que les joueurs ressentent. Il faut que chacun fasse en sorte de mettre l’équipe dans les meilleures dispositions possibles.
– Avec le titre, on pensait que votre pouvoir au club s’élargirait. Est-ce le cas ?
– Je n’ai pas demandé plus de pouvoir. Ce serait trop facile de dire : « J’ai gagné, laissez-moi faire. » Je suis dans mon rôle d’entraîneur. Je ne suis pas l’ultime décideur. J’ai mes positions sportives. Il m’arrive de me tromper. Et je n’ai pas de problème à le reconnaître. »
RAPHAËL RAYMOND
|