L'équipe assassine Kluivert et par ricochet le PSG
Patrick Kluivert, directeur mais pas trop
Le 03/02/2017, mis à jour le 03/02/2017 05:00:00
Sept mois après son arrivée au PSG, le directeur du football se singularise davantage par la sympathie qu'il suscite que par son efficacité à un poste pour lequel il n'était pas programmé.
Damien Degorre, Hugo Delom et Arnaud Hermant Un grand sourire, une tape sur l'épaule, et cette phrase : « How are you boss ? ». Lorsque Nasser al-Khelaïfi débarque à l'inauguration de l'académie PSG à Radès, en Tunisie, le 3 janvier, le président parisien témoigne d'une forme de déférence à l'endroit de son directeur du football, devant tout un parterre de journalistes. Patrick Kluivert n'est évidemment pas le patron du club de la capitale mais, à ce moment-là, dans ce contexte précis, il s'agit de montrer qu'il en est le personnage central, celui qui compte et dictera la ligne sportive. Le mercato d'hiver vient de commencer et Al-Khelaïfi sent que sa recrue star de l'été, celle pour laquelle il a inventé un poste sans équivalent en Europe, celui de directeur du football, a besoin d'un petit coup de main médiatique pour chasser les premiers doutes et asseoir sa crédibilité. Alors, oui, Patrick est bien le « boss ». Pendant l'intégralité du stage de reprise des Parisiens, tout sera mis en oeuvre pour le valoriser. Conférence de presse improvisée sur la pelouse, petit match de foot avec les enfants de l'académie sous le regard des caméras, plateaux télé avec les médias locaux juste avant la rencontre des grands contre le Club Africain : Kluivert doit incarner le PSG nouveau et toute la communication du club s'articuler autour de lui en ce début d'année 2017. Depuis sa nomination, le 14 juillet 2016, le Néerlandais a tissé des liens étroits avec les responsables de la communication du PSG qui le protègent, le vantent, le guident comme on choie un poulain. À un moment où la situation sportive de l'équipe nourrit quelques inquiétudes, en dépit de qualifications dans toutes les compétitions, la haute direction parisienne doit prouver qu'elle ne s'est pas trompée l'été dernier. En recrutant le vainqueur de la Ligue des champions 1995, Nasser et son entourage proche se sont enfin offert un nom. Cela faisait des mois qu'ils cherchaient, convaincus que la compétence à de telles fonctions passait par la notoriété et guidés, pour certains, par la profonde inimitié personnelle qu'ils vouent à Olivier Létang, alors directeur sportif adjoint. Cela ne les a pas empêchés d'essuyer quelques refus : Monchi du Séville FC ou José Luis Caminero de l'Atlético de Madrid, par exemple. Consultant pour beIN Sports International, qui partage le même actionnaire que le PSG, Kluivert accepte, lui, sans barguigner, mais il n'a aucune expérience du métier et ses premières semaines dessinent un apprentissage difficile. Alors que Jesé est d'accord sur les conditions de sa venue à Paris, le Néerlandais reprend le flambeau de la négociation et doit conclure le dossier avec le Real Madrid. Qui ne cédera sur rien et empochera 25 millions d'euros pour le transfert de son attaquant. Il doit ensuite faire face à la colère de David Luiz, excédé par son remplacement à la 62e minute de jeu à Monaco (1-3, 3e journée) et qui exige d'être vendu à Chelsea à deux jours de la fin du mercato. « Il n'avait pas le choix, David Luiz lui a mis le couteau sous la gorge », insiste-t-on, parmi ses proches. À l'arrivée, le directeur du football s'incline et le PSG perd l'un de ses cadres. «Il faut une doublure à Cavani. Non seulement pour lui-même mais aussi pour aider notre équipe s'il est blessé», le 7 janvier, à Paris, sur Eurosport Au cours de ce même été, l'ancien attaquant de l'Ajax Amsterdam accepte, dans un premier temps, l'idée de se séparer de Blaise Matuidi, et le confirme à l'intéressé. La Juventus Turin est prête à formuler une offre. L'agent néerlandais du milieu français, Mino Raiola, organise alors un rendez-vous avec son compatriote à Monaco, le jour du tirage au sort de la phase de groupes de la Ligue des champions. Seulement, Kluivert ne s'y présentera pas de son propre chef. Furieux, Raiola ne veut plus entendre parler du directeur du football du PSG, ce qui pose problème quand même pour négocier la future prolongation de contrat de Matuidi... Alors Raiola téléphone directement à Nasser al-Khelaïfi. En fait, il semble que Patrick Kluivert n'ait pas saisi d'emblée la rigueur et l'organisation que suppose une telle fonction. Lui, ce qu'il aime, c'est regarder les matches de son équipe, parler avec les joueurs. D'ailleurs ceux du PSG apprécient son caractère débonnaire, son côté bon pote. Au moment de sa présentation officielle, Julian Draxler l'avait ainsi qualifié de « mec génial » et laissé entendre que son discours l'avait séduit. « Draxler, c'est son coup et rien que le sien », martèle-t-on en interne. C'est tout de même Nasser al-Khelaïfi qui, début décembre, a relancé des discussions commencées avec l'agent de l'Allemand l'été dernier. Les plus jeunes de l'effectif ne renâclent pas à l'écouter évoquer son expérience même si, parfois, ils se disent que le foot a changé, notamment lorsqu'il s'offusque de leurs exigences salariales et leur rappelle combien lui gagnait, « à son époque ». Seulement, parler en tête à tête avec les joueurs au détour d'un couloir est une chose, « définir une stratégie sportive à long terme », comme cela lui a été assigné, en est une autre. En septembre, les deux principaux scouts du PSG, Éric Pécout et Luis Ferrer, s'attendaient à ce qu'une réunion de débriefing du dernier mercato et de préparation du prochain soit organisée, comme c'est le cas depuis plusieurs années. À chaque fois, elle était repoussée. Ou oubliée. Il a fallu que Jean-Claude Blanc, le directeur général du club, suggère avec insistance à son nouveau collègue de la mettre en place à la fin du mois. De la même manière, Kluivert ne s'est jamais entretenu avec des scouts du club dans des régions qui comptent. Par exemple, l'ancien international sénégalais Sylvain Ndiaye, en charge de l'Espagne, n'a pas été consulté une seule fois avant et pendant le mercato d'hiver. «(Pour) les joueurs de haut niveau (que Paris veut recruter), il y a une nécessité d'explication, de convaincre. Ce travail est essentiel. Même Barcelone ou le Real Madrid le font. Patrick Kluivert l'effectue-t-il ? Les retours ne sont pas ceux-là.» Ce marché, d'ailleurs, a surtout mis en lumière une manière d'improvisation. Kluivert a raison lorsqu'il dit que « le club suivait Gonçalo Guedes ». Il s'agit d'un joueur (recruté pour 30 M€ par Paris) que Luis Ferrer avait repéré il y a trois ans. Mais cette saison, le PSG ne l'a vu qu'une fois, lors d'un match de Ligue des champions au cours duquel le jeune Portugais n'avait pas été brillant, et il n'était pas forcément prévu de le recruter maintenant. En attaque, le directeur du football désirait en priorité l'Argentin de River Plate Lucas Alario, ce qui fut une source de désaccord avec l'entraîneur Unai Emery. Sinon ? Sinon Kluivert appréciait aussi le Belge Christian Benteke. Il a ainsi demandé à son agent si Crystal Palace, qui se bagarre pour son maintien en Premier League, était disposé à lui prêter son meilleur buteur. Le représentant de l'international belge n'a pas transmis la demande au club londonien... « Les joueurs de haut niveau que des clubs comme Paris visent ont des propositions équivalentes et ont face à eux des projets structurés, explique l'un des nombreux agents étrangers ayant rencontré Kluivert. Il y a une nécessité d'explication, de convaincre et d'apporter une réponse à une question simple : "Comment on va t'intégrer au mieux dans notre club ?" Ce n'est plus l'époque de David Luiz, d'Ibrahimovic, où on sentait que le projet roulait. Là, avec les échecs récents, la donne a changé. Ce travail-là est essentiel. Même Barcelone ou le Real Madrid le font. Patrick Kluivert l'effectue-t-il ? Les retours ne sont pas ceux-là. » Les « retours » évoquent aussi un dirigeant qui a une connaissance incomplète du marché. Il y a quelques mois, un joueur titulaire lors des quarts de finale de l'Euro et évoluant dans un grand club européen lui a été proposé. Kluivert n'en avait pas entendu parler. La plupart des témoignages évoquent un garçon très sympathique mais à la force de travail contestable. Plusieurs dirigeants de Ligue 1 ont cherché à le joindre, en janvier, pour le solliciter au sujet de jeunes joueurs parisiens. Ils attendent encore qu'il les rappelle. Cela lui a ainsi valu un reproche public de Waldemar Kita, le président du FC Nantes, le 21 janvier au stade de la Beaujoire. Nasser al-Khelaïfi lui avait également enjoint de se montrer un peu plus pressant au téléphone, au moment des discussions sur les prolongations de contrat de Thiago Silva et d'Edinson Cavani. Fin novembre, le président parisien avait d'ailleurs pris les choses en main pour accélérer le processus et appeler en personne les représentants des deux stars de l'équipe. Dans sa manière de fonctionner, Kluivert ne s'inspire ni de l'hyperactivité de Leonardo ni de la rigueur de Létang, dont il a hérité de la majorité des attributions. Le Néerlandais est notamment en charge du management de l'équipe première. Mais jusqu'à présent il ne s'est jamais adressé au groupe dans son intégralité avant une échéance importante, comme pouvaient le faire ses prédécesseurs. Les jours de match, il se rend bien dans le vestiaire, glisse quelques mots d'encouragements ou participe à un petit tennis-ballon pour montrer qu'il a de beaux restes, mais ne va pas plus loin. Pendant les causeries d'Emery, il est arrivé, à plusieurs reprises, que son téléphone se mette à sonner ou bien qu'il soit surpris en train de jouer dessus. Certains proches l'invitent à corriger ce côté dilettante. Mais Kluivert est un épicurien, qui aime la vie et ne se refait pas complètement à quarante ans. Il aime aussi aller voir son plus jeune fils de dix ans s'entraîner avec les jeunes du PSG, au Camp des Loges, et il lui arrive d'écourter des rendez-vous pour être ponctuel. Le voir assis sur les marches blanches du petit stade de Saint-Germain-en-Laye en a surpris plus d'un. Le Néerlandais en profite pour discuter avec les éducateurs du centre, sans pour autant initier des changements dans la politique de formation. Lui, l'enfant de l'Ajax, a pourtant forcément un avis sur la question. Il en a un, en tout cas, sur le jeu développé par le PSG cette saison. Et il n'est pas toujours très positif. Emery assure discuter quotidiennement avec son directeur du football « parfois trente minutes, parfois une heure, l'essentiel c'est la communication ». Elle est nécessaire, en effet. Elle n'empêche pas, cependant, des points de désaccord persistants entre les deux hommes. Sur les choix de joueurs pendant le mercato ou sur la tactique à mettre en place. Mais tant que le PSG gagne, tout va bien.
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