Je ne dis pas « tout et son contraire », j'intègre simplement une nuance parce que tu mets sur un pied d’égalité des activités qui n’obéissent pas forcément aux mêmes contraintes, du moins pas en totalité.
Aujourd'hui, pour la presse traditionnelle, l'équation est simple : passer du papier au tout-numérique ou disparaître. Cette transition sous-entend que des emplois seront supprimés ou redéfinis, puisqu’il s'agit d'une évolution technologique incontournable (voire écologique au passage), et il en ira de même pour les coûts fixes et les coûts variables, pour la sous-traitance, etc. Il y a donc une phase d'adaptation et pendant cette phase, si elle est effective j’entends, le maintien des subventions ou la quasi-suppression de la TVA ne me choquent pas, en revanche, au-delà, je pense que ce serait néfaste et surtout, inutile.
On parle de flexibilité là aussi.
Dans les faits, je ne suis pas sûr qu’effectivement tous les acteurs « jouent le jeu », d’ailleurs, certains organes de presse sont dans l’incapacité d’évoluer parce que les grands groupes auxquels ils appartiennent les en empêchent (tout en touchant les fameuses subventions). Ça je te l’accorde très volontiers et je pense, qu’en la matière, l’État devrait imposer des objectifs chiffrés à échéance de cinq ans (par exemple), avant d’abandonner ce mode de financement désuet. D’ailleurs, il aurait dû le faire bien plus tôt, bien avant qu’Hollande soit élu… Rien n'interdit donc de supprimer les subventions, au contraire, ni de créer de nouveaux modèles effectivement, sauf qu'il n'y en a pas trente-six et qu’il existe un point d’achoppement majeur à cette logique (si on garde en tête que l’intérêt de la presse ne se résume pas à faire du pognon) : Google.
La presse ne peut jouer son rôle de contre-pouvoir et d'information que si elle est largement diffusée, donc sur le Net, et sur le Net ça veut dire avec de la publicité sans quoi Google refuse tout référencement. Or dans ces conditions et sans disposer au préalable d’un solide panel d’abonnés, ou sans aide ponctuelle de l’État -dont l'étiquette politique change régulièrement contrairement à celle des lobbies économiques- il est impossible de garantir une réelle indépendance. Demander à Google l'autorisation d'exister, c'est un peu différent que d'aller déposer un nom au registre du commerce il me semble…
Dans cette optique, supprimer la TVA pour la presse en ligne protège l’avenir d’un modèle fragile et permet une transition viable vers le tout numérique pour ceux qui ne l'ont pas accomplie (restructuration, redéfinition des objectifs, optimisation des coûts), sans devoir se soumettre forcément aux diktats de la pub et de Google, du moins pour l'essentiel. Ensuite lorsque cette dynamique sera bien établie, alors oui, il sera temps d’en finir avec des subventions allouées souvent sans discernement.
Je souligne au passage que beaucoup de gens exigent que la presse soit indépendante avec de vrais journalistes d'investigation comme Plenel ou Mauduit (et ça a un coût), mais refusent de payer quoi que ce soit au prétexte de la « gratuité » pré-supposée d’Internet… La belle affaire ! Donc on veut le beurre et l'argent du beurre, mais on ne s'en donne pas les moyens, comme toujours en France, quitte à se retrouver dans des situations complètement absurdes (subventions souvent indues d’un côté ou emplois ridiculement complexes et exigeants en regard des salaires proposés de l’autre…).
Alors c’est vrai, on peut considérer que la presse dans son ensemble est imparfaite, coûteuse ou partisane, elle a néanmoins le mérite d’exister et cette existence est fragile car sa fonction dépasse celle de l’économie stricto sensu. De fait, qu’on perde en quantité ce qu’on pourrait gagner en qualité et qu’on arrête de dépenser n’importe comment, il le faut, mais pas à n’importe quel prix et s’imaginer tranquillement que l’herbe repousse aisément sur une terre brûlée, c’est se voiler la face.
P.-S.- Mediapart a été créé par quatre anciens journalistes du Monde agissant à titre personnel, il s'agit donc bien d'un nouveau journal et non de l'évolution d'une structure pré-existante, d’autant que Plenel a démissionné de son poste de Directeur de la rédaction en 2004 pour désaccord avec la nouvelle orientation éditoriale (Colombani et Minc).
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